Asder

28 octobre 2025

Rencontre avec Laure Voron et Delphine Mugnier : une direction à deux voix au service de la transition énergétique

Laure Voron, responsable de l’École du bâtiment durable, et Delphine Mugnier, responsable du Service local de l’énergie, codirigent l’Asder. Ensemble, elles œuvrent à former, guider et inspirer les professionnels de la transition énergétique. Rencontre avec deux femmes engagés, à la croisée des savoirs, des territoires et des défis à venir.

 

Quel est l’impact de vos actions sur la transition énergétique ?

Delphine Mugnier (D. M.) : Très concret. Notre Service local de l’énergie agit en Savoie. Il accompagne des particuliers, des copropriétés, des entreprises et des collectivités dans la mise en œuvre de projets ambitieux : rénovation performante, production d’énergies renouvelables, accompagnement technique ou financier … C’est un travail de terrain, mené par une équipe très engagée, qui s’appuie sur des valeurs fortes : expertise, indépendance, solidarité. Et derrière chaque projet abouti, il y a une petite victoire pour la transition.

Laure Voron (L. V.) : De notre côté, à l’École du bâtiment durable, on forme celles et ceux qui vont rendre ces projets possibles. On agit à deux niveaux : la formation longue pour les personnes en reconversion, et la formation continue pour les pros en poste qui souhaitent se spécialiser. On veut que plus de gens soient formés – mais surtout bien formés – dans les métiers à impact, qui répondent aux enjeux climatiques d’aujourd’hui.

 

Vos deux pôles collaborent étroitement. Comment cela s’articule-t-il ?

D. M. : Ce sont deux pôles, mais une seule structure. Nous travaillons en complémentarité constante. Le Service local de l’énergie fait remonter les besoins du terrain – des besoins concrets, identifiés auprès des acteurs du bâtiment – que l’école traduit ensuite en modules de formation adaptés. Et inversement, la formation alimente la montée en compétences de nos conseillers.

L. V. : Cette coopération est visible partout. Par exemple, certains conseillers deviennent formateurs. Et les projets accompagnés sur le terrain deviennent des études de cas pour les étudiants. Ce ne sont pas des formations théoriques : nos apprenants travaillent sur des projets réels, en lien direct avec les enjeux locaux. Pour les formateurs, cela les oblige aussi à rester à la pointe des normes, des techniques, des aides, etc. Parce que les étudiants, souvent très motivés, posent des questions pointues !

 

Quels sont justement les profils de ces apprenants ?

L. V. : Il y a une grande diversité : des salariés en reconversion, souvent entre 30 et 45 ans, mais aussi des jeunes diplômés ou des quinquagénaires en transition. Très peu viennent du bâtiment : on voit des profils d’ingénieurs, d’informaticiens, de chercheurs, de cadres du public, de salariés du tertiaire ou de l’industrie et parfois un ancien banquier ou un agent immobilier ! Leur point commun, c’est la quête de sens. Ils veulent un métier utile, porteur, souvent avec un fort engagement écologique. Et puis, ce sont des gens qui n’ont pas peur de repartir de zéro. Le panel va de 22 à 58 ans. On a un peu plus d’hommes que de femmes, mais beaucoup plus de femmes que dans la moyenne des formations techniques du bâtiment. Et tous viennent chercher un nouveau souffle.

 

Comment les accompagnez-vous dans cette reconversion ?

L. V. : On ne les lâche pas. Chaque promotion a un référent pédagogique qui les suit de bout en bout. Ils sont aussi accompagnés par des chargés d’orientation et d’insertion qui les aident à affiner leur projet, à gérer les doutes, à se préparer à l’après. Se reconvertir, c’est lourd : on met sa vie perso entre parenthèses, on retourne à l’école, après dix ou vingt ans … Mais la dynamique collective les porte. La Maison des Énergies, notre lieu commun, favorise les échanges entre les stagiaires et les salariés. Il y a un esprit d’équipe très fort.

 

Faites-vous une sélection avant l’entrée en formation ?

L. V. : Oui, c’est nécessaire. il y a d’abord un entretien de préqualification, puis des tests de niveau – en maths, physique, outils numériques, selon les formations. Ensuite un entretien plus approfondi. L’idée est d’éviter les erreurs d’aiguillage. Quelqu’un qui idéalise un métier sans l’avoir vraiment exploré peut vite se décourager. On les pousse à faire des immersions professionnelles. C’est là que le Service local de l’énergie intervient.

D. M. : On accueille régulièrement des futurs stagiaires pour une semaine ou deux. Ils découvrent nos missions, observent les pratiques, posent leurs questions … Ça leur permet de valider ou de réajuster leur projet. Et pour nous, c’est aussi une façon de s’assurer que la motivation est bien ancrée.

 

Et une fois qu’ils sont lancés, quel est le taux de réussite ?

L. V. : Très bon. On est autour de 95 % de présentation au diplôme et quasiment 100 % de réussite. Les rares abandons surviennent quand des soucis personnels ou financiers surgissent. Mais en général, cette année de formation est vécue comme une expérience forte, transformatrice même. Ils retrouvent une dynamique, un objectif, une communauté. Et souvent, ils disent qu’ils ont repris goût à leur vie professionnelle.

 

La rénovation énergétique est-elle vraiment un secteur porteur ?

L. V. : C’est l’un des secteurs les plus dynamiques de la transition écologique. Selon France Stratégie, 650 000 emplois sont à pourvoir d’ici 2030. Il y a des besoins sur toute la chaîne : conseil, ingénierie, audit, chantier, maintenance … Le projet FARE – Former les Acteurs de la Rénovation Énergétique – porté par l’Asder et un consortium d’acteurs, vise à former 150 000 personnes. C’est énorme, mais c’est aussi vital pour la transition.

Vous intégrez aussi des valeurs dans les contenus pédagogiques ?

L. V. : Bien sûr. On commence toutes nos formations par une mise en contexte : les enjeux climatiques, la trajectoire carbone, le scénario négaWatt … On parle de sobriété, d’efficacité, d’énergies renouvelables. On aborde aussi la santé au travail, l’impact environnementale des matériaux, la pollution, la biodiversité. Et nos locaux incarnent tout ça : bâtiment démonstrateur, matériaux biosourcés, panneaux photovoltaïques, zéro plastique, composteurs, food-truck bio … Nos stagiaires vivent ce qu’ils apprennent.

Comment adaptez-vous vos contenus à l’évolution du secteur ?

L. V. : Par une veille active. Les formateurs sont en réseau, lisent, assistent à des conférences, participent à des tables rondes … On travaille main dans la main avec les employeurs. Et on réunit régulièrement des conseils de perfectionnement pour chaque formation.

D. M. : Et on ne se contente pas de suivre : on anticipe. Par exemple, on avait intégré la future réglementation environnementale des bâtiments avant même son application. Cette agilité est un vrai atout pour nos stagiaires.

 

 

Entretien réalisé par Raphaël Turcat pour Les Déviations, dans le cadre du projet FARE.

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